Assurance décennale : obligations légales pour les artisans et maîtres d’ouvrage

La construction d’un bâtiment, qu’il s’agisse d’une maison individuelle, d’un bâtiment collectif, ou d’une extension ou rénovation, comporte des risques : malfaçons, défauts de structure, infiltration, etc. Pour protéger les maîtres d’ouvrage et les usagers, le droit français impose ce qu’on appelle la garantie décennale, et exige que certains professionnels soient assurés pour y répondre. Nous expliquons ici en détail les obligations légales, qui doit souscrire, les sanctions encourues, et ce qu’il est essentiel de vérifier dans une attestation décennale.

La loi Spinetta et ses implications légales

La loi n°â€¯78‑12 du 4 janvier 1978, dite loi Spinetta, constitue la base légale de la responsabilité et de l’assurance dans le domaine de la construction. Elle institue notamment :

  • l’obligation pour ceux dont la responsabilité peut être engagée de souscrire une assurance de responsabilité civile décennale, qui couvre pendant 10 ans à compter de la réception des travaux les dommages affectant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination.
  • le régime « à double détente » : d’un côté l’assurance responsabilité décennale des constructeurs, de l’autre l’assurance dommages‑ouvrage souscrite par le maître d’ouvrage, qui permet d’obtenir une indemnisation rapide sans attendre une décision judiciaire établissant les responsabilités. 

Les textes du Code civil (articles 1792 et suivants) définissent les obligations de construction, les types de dommages concernés (solidité, impropriété à la destination, etc.), tandis que le Code des assurances (articles L241‑1 et suivants, articles A.243‑1 etc.) réglemente l’assurance obligatoire, les attestations, les conditions.

Qui est concerné par l’obligation d’assurance décennale

L’obligation concerne plusieurs intervenants :

  • Constructeurs : entrepreneurs, artisans, architectes, bureaux d’études, maîtres d’œuvre, ingénieurs‑conseils, etc. Toute personne physique ou morale liée au maître d’ouvrage par un contrat de construction (contrat de louage d’ouvrage) est concernée. 
  • Sous‑traitants : ils ne contractent pas directement avec le maître d’ouvrage, donc leur responsabilité décennale ne s’applique pas directement vis‑à‑vis du maître d’ouvrage. Toutefois, ils sont responsables envers le constructeur dont ils dépendent, et le constructeur doit s’assurer que tous les lots qu’il engage sont couverts ou garantie. 
  • Maître d’ouvrage : doit souscrire l’assurance dommages‑ouvrage avant le démarrage des travaux. Cela permet de couvrir les dommages relevant de la décennale sans attendre l’issue d’une procédure judiciaire. 
  • Constructeurs étrangers intervenant en France doivent aussi justifier d’une garantie conforme au droit français pour les travaux réalisés sur le territoire national. 

Sanctions en cas d’absence

Le non‑respect de ces obligations comporte des conséquences sérieuses :

  • Sanctions pénales : l’entreprise ou le professionnel non assuré s’expose à des amendes, voire à des peines de prison dans certains cas.
  • Responsabilité civile et financière : si des dommages surviennent, le constructeur non assuré devra financer les réparations sur ses propres fonds, sans soutien d’une assurance. Cela peut représenter des montants très élevés.
  • Risques sur le plan contractuel et commercial : impossibilité pour le maître d’ouvrage de réceptionner les travaux ou d’activer l’assurance dommages‑ouvrage, impossibilité de faire usage de garanties, risque lors de la revente du bien.
  • Recours des tiers : occupants, propriétaires successifs peuvent agir, ce qui peut entraîner des litiges coûteux.

Attestation décennale : mentions obligatoires et points de vigilance

Avant le démarrage des travaux, le constructeur doit remettre au maître d’ouvrage une attestation d’assurance de responsabilité civile décennale. Cette attestation doit respecter un formalisme précis défini par l’arrêté du 5 janvier 2016 et par l’article A. 243‑3 du Code des assurances. 

Mentions obligatoires inclues

Voici ce que doit comporter l’attestation :

Élément Détails attendus
Coordonnées de l’assuré nom ou raison sociale, adresse, numéro SIRET ou équivalent
Coordonnées de l’assureur nom, adresse du siège, coordonnées, mandat de l’intermédiaire si applicable 
Numéro du contrat d’assurance identifiant unique du contrat lié à la garantie décennale
Période de validité de l’attestation doit couvrir la date d’ouverture du chantier (DOC) et être en vigueur pendant toute la durée nécessaire
Nature des travaux garantis lots concernés, techniques ou procédés utilisés, extension / rénovation si applicable
Montant de la garantie / limites contractuelles le montant maximal couvert selon le contrat, selon le type de chantier (gros œuvre, lots secondaires), limite géographique éventuellement
Date d’établissement de l’attestation pour vérification / traçabilité
Mention explicite « assurance de responsabilité civile décennale obligatoire » texte obligatoire pour la forme légale

Points de vigilance à respecter

  • L’attestation doit être remise avant l’ouverture du chantier.
  • Vérifier que les travaux réellement exécutés correspondent aux travaux garantis (lot, nature des interventions).
  • S’assurer que la date d’ouverture du chantier est bien mentionnée et que la validité recouvre cette date.
  • En cas de sous‑traitance, vérifier que les sous‑traitants sont couverts ou que leurs responsabilités sont garanties via le contrat principal.
  • Contrôler la capacité financière / réputation de l’assureur (réseau, solvabilité, expérience dans la décennale).
  • Vérifier que l’attestation ne comporte pas de mentions limitatives ou contradictoires illégales (ex : condition suspensive de paiement, clause restreignant la garantie hors normes techniques non autorisées, etc.)

Conclusion

La garantie décennale est un pilier du droit de la construction en France. Elle protège le maître d’ouvrage pendant dix ans contre les dommages sérieux pouvant affecter la solidité d’un ouvrage ou le rendre impropre à sa destination. Pour les artisans, architectes et autres professionnels, la souscription d’une assurance décennale n’est pas juste une formalité : c’est une obligation légale avec des enjeux majeurs.

Avant d’engager des travaux, il est essentiel de :

  • s’assurer que l’entreprise possède une attestation conforme ;
  • vérifier que celle‑ci couvre précisément les travaux envisagés ;
  • choisir un assureur spécialisé, fiable et transparent.